Comment les interruptions et les aménagements de carrière pèsent sur la retraite des femmes ?
ELLE - 30 avril 2025
Publié le 05/05/2025

L’égalité entre les femmes et les hommes progresse dans le monde du travail… mais des écarts persistent avec des impacts importants sur les droits à la retraite. Moins de trimestres cotisés, des pensions plus faibles, des départs plus tardifs : les parcours professionnels des femmes, plus fréquemment marqués par des interruptions ou des aménagements de carrière, ont une influence directe sur leurs droits à la retraite. D’ailleurs, les femmes parties à la retraite en 2021 touchent une pension de retraite 31% inférieure à celle des hommes !
Comment ces carrières plus hachées influencent-elles le montant de la pension ? Quels leviers pour limiter ces effets ? Décryptage avec Valérie Batigne, fondatrice et dirigeante de Sapiendo.
Congé maternité : des interruptions compensées pour la retraite de base et complémentaire
L’arrivée d’un enfant transforme une vie, personnelle comme professionnelle. Heureusement, la maternité permet d’acquérir des droits à la retraite.
Tout d’abord, prenons le congé maternité ou d’adoption. Celui-ci est assimilé à du travail effectif – c’est à dire que les trimestres acquis dans ce cadre sont considérés comme étant cotisés et sont donc comptabilisés pour un départ anticipé carrière longue.
En pratique, aujourd’hui chaque période de 90 jours de perception d’indemnités journalières permet de valider un trimestre. De plus, les indemnités journalières perçues durant cette période sont considérées comme du revenu et entrent dans le calcul de votre pension. Enfin, des points de retraite complémentaire vous sont attribués dès lors que l’arrêt dépasse 60 jours.
Congé parental : un impact sur votre retraite complémentaire
Si vous optez pour un congé parental d’éducation, le principe est le même en termes de validation des trimestres : chaque période de 90 jours permet aussi de valider 1 trimestre.
Mais attention : cette majoration n’est pas cumulable avec les 8 trimestres accordés lors de la naissance de l’enfant (4 au titre de la maternité et 4 au titre de l’éducation) ! Et cela peut vous faire perdre ainsi des trimestres que vous auriez validés si vous avez travaillé. Par ailleurs, vous ne validerez pas de points de retraite complémentaire.
Après la naissance de son fils, Garance bénéficie automatiquement de 8 trimestres de majoration pour enfant (4 pour la maternité et 4 pour l’éducation). Elle décide ensuite de prendre un congé parental de 2 ans, ce qui lui permettrait en théorie d’acquérir 8 trimestres supplémentaires.
Mais attention ! Les trimestres du congé parental ne sont pas cumulables avec les trimestres pour enfant. Dans son cas, l’Assurance retraite retient uniquement les 8 trimestres pour enfant.
Ainsi, Garance validera 8 trimestres pour cette période de congé parental. Si elle avait travaillé pendant cette période, elle aurait validé 16 trimestres : 8 trimestres enfant et 8 trimestres de validation de périodes cotisées.
Le temps partiel : un effet multiplicateur sur les écarts de pension
En France, le temps partiel concerne plus d’une femme sur quatre, contre moins d’un homme sur dix, selon la Dares. Souvent choisi pour mieux concilier vie professionnelle et familiale, ce mode d’organisation peut avoir des conséquences importantes sur la retraite.
Travailler à temps partiel signifie percevoir un salaire plus bas et donc cotiser moins pour la retraite. Si le régime de base permet malgré tout de valider un trimestre dès lors qu’un seuil de revenus est atteint (7 128 € pour valider 4 trimestres en 2025), la retraite complémentaire, elle, est directement impactée. En effet, un salaire moindre signifie proportionnellement moins de points et donc, une pension réduite.
Notons toutefois que certaines entreprises proposent des dispositifs pour limiter l’impact du temps partiel sur la retraite, comme des cotisations sur la base d’un temps plein. Par ailleurs, il reste possible de compenser via des dispositifs d’épargne retraite. Là encore, l’anticipation est essentielle.
Laure est née en 1989. Elle est mère de deux enfants. En tant que responsable RH, elle touche un salaire brut/an de 42 000 €. Elle souhaite calculer l’impact d’un temps partiel selon divers scénarios afin de faire le meilleur choix pour sa retraite :
- Si elle passe à mi-temps pendant 5 ans, elle perdra environ 494 € de pension de retraite par an, soit 11 359 € sur 23 ans
- Si elle passe à mi-temps pendant 1 an, elle perdra environ 88 € de pension de retraite par an, soit 2 031 € sur 23 ans
- Si elle passe à 80% pendant 5 ans, elle perdra environ 229 € de pension de retraite par an, soit 5 266 € sur 23 ans
*Source : Simulateur temps partiel & retraite de Sapiendo
Périodes d’inactivité : quand les trimestres manquent à l’appel
Les périodes sans activité professionnelle – qu’il s’agisse d’un chômage non indemnisé, d’une pause pour s’occuper d’un proche ou encore d’une expatriation sans affiliation à un régime de retraite – peuvent créer des "trous" dans la carrière. Résultat : un manque de trimestres et une baisse du montant de la pension.
Certaines périodes d’inactivité sont néanmoins prises en compte pour la retraite :
- Le chômage indemnisé permet de valider des trimestres et d’accumuler des points de retraite complémentaire.
- La prise en charge d’un proche handicapé peut donner droit à des trimestres au titre de l’Assurance vieillesse des aidants (AVA).
- Les petits boulots ou missions ponctuelles, bien que précaires, peuvent permettre de valider quelques trimestres si le revenu atteint le seuil requis.
Mais attention : toutes les périodes d’inactivité ne se valent pas, et certaines peuvent entraîner une véritable perte de droits ! Par exemple, une période d’inactivité sans indemnisation peut repousser votre date de départ à la retraite au taux plein.
Avant toute pause professionnelle, mieux vaut faire le point sur ses droits et envisager des solutions comme le rachat de trimestres pour limiter les effets à long terme.
Comment limiter l’impact de ces choix sur la retraite ?
Si ces interruptions et aménagements de carrière pèsent sur la retraite des femmes, des solutions existent pour réduire ces écarts :
- Se renseigner sur ses droits : beaucoup de dispositifs existent pour compenser les périodes d’arrêt, mais ils sont souvent méconnus. Un bilan retraite personnalisé permet d’identifier les leviers d’optimisation.
- Anticiper avec une épargne dédiée : ouvrir un Plan d’Épargne Retraite (PER) peut permettre de compenser les périodes où l’on cotise moins.
- Profiter des dispositifs d’abondement en entreprise : certaines entreprises proposent des compléments de cotisation retraite pour les salariés à temps partiel.
Conclusion : la retraite, une affaire à anticiper dès aujourd’hui
Les interruptions et aménagements de carrière sont souvent des choix dictés par des contraintes personnelles ou familiales. Mais leurs conséquences sur la retraite des femmes sont bien réelles. Plus qu’un enjeu individuel, c’est une question d’égalité et de justice sociale qui mérite d’être prise en compte dès le début de la vie active.
Parce que la retraite se prépare bien avant l’âge de départ, mieux vaut s’informer et anticiper dès aujourd’hui. Comme le dit si bien l’équipe de Sapiendo : "Savoir, c’est déjà agir !"
Ces articles peuvent vous intéresser
Les Echos - 25 avril 2025
Le 28/04/2025
Retraites : travailler plus longtemps pour compenser la fin de l'abattement fiscal de 10 % ?
Melty - 22 avril 2025
Le 22/04/2025
Retraite : ce droit peu connu permet aux hommes de gagner des trimestres, voici comment le réclamer